A Marseille, « on plie, on encaisse, mais là on est face au mur »
« Si on me demande ce que je veux tout de suite, je réponds : des médecins ! » Cheffe du service des urgences de la Timone, à Marseille, depuis février dernier, la docteure Céline Meguerditchian jongle, comme tous les jours, avec ses tableaux de service. Aujourd’hui, quatre médecins urgentistes sont présents, auxquels s’ajoute un médecin orthopédiste qui pilote la ligne de traumatologie.
« Nous devrions être neuf, mais nous nous sommes réorganisés pour assurer la continuité et respecter les temps de travail », assure cette Marseillaise de 42 ans. Depuis minuit, quatre-vingts patients se sont présentés dans le service. « A 11 heures, trente-cinq sont dans les urgences. Après le long week-end, j’avais peur que ce soit plus compliqué, mais pour l’instant, c’est calme », note-t-elle. Le seuil de saturation est fixé à soixante patients. Ici, avec une moyenne de 250 passages par jour, il est régulièrement atteint.
« Les urgences sont la vitrine du système de santé. Nous sommes au croisement de la médecine de ville et de l’hôpital. Nous subissons les carences des deux secteurs. Et ici, les symptômes se voient plus que dans un service au sixième étage ou que dans un cabinet de généraliste », reconnaît Céline Meguerditchian.
Lors du week-end de Pentecôte, un patient est arrivé en ambulance de Seine-et-Marne. « Un dysfonctionnement qu’il a fallu gérer », souffle-t-elle, désemparée devant de tels cas de figure.

Chef adjoint du service, Gilles Gambini, 51 ans, qui a pratiqué la médecine d’urgence durant vingt-trois ans déjà, estime, de son côté, que la crise que l’hôpital traverse « est inédite ». « On a connu des problèmes d’effectifs, on a vu la fréquentation augmenter, mais jamais comme ça », souligne-t-il. « On a commencé à demander des intérimaires… qui nous disent après quelques jours qu’ils ne veulent pas revenir. »
Comme d’autres médecins du service, il a fait une croix sur ses vacances de Noël et réduit ses congés d’été de trois semaines à quinze jours. « On plie, on encaisse, mais là on est face au mur. Et ce qui est nouveau, c’est que c’est pareil partout », constate-t-il.
Pour cet urgentiste, la fermeture partielle et temporaire des services d’urgence de Bordeaux a été un « choc ». « Voir un CHU être touché était brutal. Ici, on fait tout pour que le service ne ferme pas. » Petite barbe poivre et sel derrière son masque, il prend quelques minutes dans son bureau pour répondre aux questions et échapper un instant aux sollicitations incessantes. « En réduisant le nombre de médecins, chacun d’entre nous doit forcément s’occuper de plus de patients. En avoir douze, treize, quatorze en file active, ce n’est pas l’idéal. Il y a le risque d’un moins bon suivi. »
« Aujourd’hui, le problème c’est comment on passe l’été, mais surtout que fait-on pour l’avenir ? » conclut-il, inquiet de voir la charge qui pèse déjà sur les médecins juniors du service. « Auront-ils l’envie de continuer avec nous ? »