La loi pour une Sécurité globale préservant les libertés, adoptée par le Parlement le 15 avril, sera prochainement examinée par le Conseil constitutionnel. Elle a déjà été largement discutée dans la sphère publique, mais l’une de ses dispositions a fait l’objet de peu d’attention. Il s’agit de l’article 1er, paragraphe 5, alinéa 7, qui fixe le cadre d’une expérimentation permettant aux agents de police municipale et aux gardes champêtres de constater par procès-verbal le délit d’usage illicite de stupéfiants. L’infraction, punissable d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, doit, une fois constatée, faire l’objet d’une procédure rédigée transmise au maire et au procureur de la République. Mais l’usage illicite de stupéfiants est également susceptible de faire l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle. Ce dispositif, récemment introduit dans le code de la santé publique, permet d’éteindre l’action publique en amont du passage devant un magistrat en échange du versement d’une somme de 200 euros (majorée à 450 euros en cas de paiement tardif) au prix d’une inscription au casier judiciaire.
La loi « sécurité globale » ne précise pas si les policiers municipaux sont compétents pour mettre en œuvre cette amende forfaitaire dans leur mission de soutien aux officiers de police judiciaire. Dans le silence des textes, on ne saurait exclure que ce développement soit à l’ordre du jour. L’hypothèse est d’autant plus plausible que le nouveau pouvoir conféré à la police municipale a vocation à être expérimenté dans des aires urbaines où l’usage de stupéfiants est à l’origine d’un contentieux de masse qui encombre les juridictions et se solde, le plus souvent, par un simple rappel à la loi. Or, c’est précisément pour réduire les moyens consacrés par la justice au traitement de cette « délinquance » et pour renforcer la répression que le dispositif de l’amende forfaitaire délictuelle a été créé.
Traitement punitif
Il faut bien mesurer les dangers que font peser sur l’Etat de droit ces extensions progressives du pouvoir de sanctionner les usagers de stupéfiants. La répression des consommateurs de drogue était conçue par les auteurs de la loi de 1970, qui fixe depuis cinquante ans le cadre juridique applicable en la matière, comme une mesure subsidiaire à ne mettre en œuvre qu’avec « extrême prudence » aux seuls infracteurs ne pouvant être « guéris ». Mais au fil du temps, la sanction est devenue systématique. Elle constitue désormais la réponse par défaut à l’usage illicite de stupéfiants. Ce traitement punitif de la toxicomanie signe l’abandon de l’ambition sanitaire de la politique des drogues en France. Cette évolution est d’autant plus regrettable qu’elle malmène les principes fondamentaux de notre ordre juridique.
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