ReportageFace à la hausse de la demande depuis l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, début août, l’hôpital de Lille a décidé de proposer des créneaux supplémentaires. L’équipe soignante accueille des femmes seules ou en couple aux parcours parfois compliqués.
« Vous avez déjà eu des rapports sexuels ? » Jennifer et Anissa échangent un regard. « Heu oui… enfin, c’est-à-dire ? », répond la première, un peu interloquée. « Je veux dire, avec une pénétration vaginale, parce que si vous faites des inséminations, après la pose d’un spéculum, on fait passer le sperme dans l’utérus, avec l’aide d’un petit cathéter. Ce n’est pas douloureux, mais voilà, ça passe par là… Vous êtes à l’aise avec ça ? », poursuit, tant bien que mal, la docteure Christine Decanter, chef du service d’assistance médicale à la procréation à l’hôpital Jeanne-de-Flandre du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille.
Ce matin de décembre, en compagnie de son interne Philippine Gruchala, elle inaugure les premières consultations de procréation médicalement assistée (PMA) ouvertes aux couples de femmes et aux femmes seules de l’établissement. Face au grand nombre d’appels reçus depuis le vote de la loi de bioéthique, le 2 août, ouvrant l’accès à la PMA à toutes les femmes, le CHU de Lille a décidé de proposer des créneaux de consultation supplémentaires fin 2021. « Après, elles seront dans notre circuit habituel, mais là, avec l’afflux de demandes, on a fait ce choix pour répondre le plus vite possible », explique l’énergique cheffe de service aux yeux bleu vif. Soixante-cinq couples de femmes et quarante-cinq femmes seules devaient être ainsi reçues en un mois. Lors de cette première journée, à laquelle nous avons pu assister, douze consultations ont lieu.
« Ça bouscule un peu nos pratiques »
« C’est un moment historique », souligne la docteure Decanter avec un sourire en recevant ses deux premières patientes de la matinée. « On a attendu ça avec impatience », répond Anissa, 33 ans, en serrant la main de sa conjointe. Pendant une vingtaine de minutes, le couple échange avec les médecins sur les résultats des examens médicaux de Jennifer, 27 ans – c’est elle qui portera leur premier enfant, ont-elles décidé – ainsi que sur les modalités entourant leur démarche : le rôle du donneur de sperme, les questions administratives… « Est-ce qu’elle peut porter mon ovule ? », interroge Anissa. « Pour l’instant, la loi ne le permet pas. A priori la patiente qui portera l’enfant le fera avec ses propres ovules », répond la docteure Decanter.
Sitôt la porte refermée, elle se tourne vers son interne pour un rapide débriefing. « On dirait qu’elles passent un entretien, elles sont assez stressées », relève la docteure Gruchala. « Pour elles, c’est un moment capital », reconnaît sa consœur. Elle secoue la tête. « J’ai été maladroite quand j’ai posé la question sur les rapports sexuels. Comment je peux faire ? Ce n’est pas facile de demander “vous avez déjà été pénétrée ?”. Peut-être que je peux dire “est-ce que vous avez déjà eu des rapports sexuels avec pénétration ?” » Ainsi posée au couple suivant, la question ne soulève plus de gêne.
Il vous reste 74.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.