(Québec) En plus de ne pas donner à tous les aînés en grande perte d’autonomie des soins à domicile à la hauteur de leurs besoins, Québec sous-estime largement le coût supplémentaire qu’il devrait essuyer d’ici 2028 pour faire face au vieillissement de la population. Il se dirige tout droit dans le mur, estime la vérificatrice générale Guylaine Leclerc.
Publié à 10h48
Mis à jour à 12h20
« Si aucun changement n’est apporté, les aînés en grande perte d’autonomie n’auront pas tous accès à des soins de longue durée publics d’ici 2028 ni à une intensité de services suffisante. Cela est vrai tant en hébergement de longue durée qu’en soutien à domicile », écrit-elle dans son rapport déposé mercredi à l’Assemblée nationale.
Québec navigue à vue et ne fait pas une planification digne de ce nom de l’hébergement public de longue durée pour les aînés en grande d’autonomie. Il a lancé la construction de maisons des aînés, mais les places prévues sont à peine équivalentes au nombre de personnes en attente d’hébergement à l’heure actuelle. La demande ne fera que croître avec le temps, mais le gouvernement n’a pas de projection solide à ce sujet. Québec « n’a pas non plus défini comment il réorganiserait et financerait les soins de longue durée dans le contexte du virage vers le soutien à domicile », affirme Guylaine Leclerc.
Ce virage connaît des ratés. En 2020-2021, pour 59 % des 15 212 personnes de 70 ans ou plus en grande perte d’autonomie qui bénéficiaient de services de soutien à domicile, moins de 5 % de leurs besoins ont été comblés. L’intensité attendue des services n’est tout simplement pas au rendez-vous.
La VG constate que les scénarios du MSSS en vue de répondre à une demande croissante au cours des prochaines années « ne prévoient aucun rattrapage visant à réduire le déficit de services actuel en soutien à domicile ». Ils « ne permettent pas de répondre aux besoins de tous les 25 599 aînés de 70 ans ou plus supplémentaires que prévoit le MSSS d’ici 2028-2029 et qui auront besoin de soins de longue durée comparables à ceux offerts en hébergement de longue durée, d’autant plus que ces prévisions de la demande sont incomplètes ».
D’ailleurs, Québec prévoit donner plus de soins à environ seulement 47 % à 68 % de ces aînés. L’offre de services qu’il entend offrir est insuffisante, puisque son estimation « représente moins du tiers du nombre d’heures de services requises pour un aîné en grande perte d’autonomie ».
La planification budgétaire est déficiente. La VG n’est pas arrivée à concilier les différentes données fournies par le ministère des Finances sur le sujet. Québec n’est pas capable de chiffrer le coût annuel des services de soutien à domicile pour un aîné, se contentant d’estimer vaguement que ce serait équivalent au coût d’hébergement en CHSLD public (près de 100 000 $ par année).
Les mesures additionnelles directes prévues par le gouvernement pour le soutien à domicile sont en moyenne de 340 millions par année d’ici 2025-2026. Et encore là, ces sommes sont destinées à toutes les clientèles, pas seulement aux aînés en grande perte d’autonomie.
Or, selon un calcul conservateur, Guylaine Leclerc estime qu’il faudrait deux milliards de dollars de plus par année pour couvrir les besoins des aînés de 70 ans ou plus en grande perte d’autonomie en 2028. C’est donc dire que Québec sous-estime le coût d’environ 1,7 milliard de dollars.
« Il faut s’assurer qu’on va réussir à le financer. Et comment on va réussir à le financer? Bien, c’est au ministère à y répondre », affirme Guylaine Leclerc.
Dans son rapport, elle déplore l’absence de réflexion sur le financement des soins, alors que « celle-ci permettrait d’analyser les sources de financement possibles telles que la contribution de l’État, celle des usagers et les mesures fiscales à mettre en place ou à améliorer. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas d’orientation ministérielle quant à la contribution financière future exigée des usagers pour leur permettre de rester à domicile ».
« Le MSSS n’a pas évalué l’efficacité des mesures fiscales destinées aux usagers des services de soutien à domicile, notamment aux aînés à faible revenu, ni déterminé si elles sont suffisantes pour permettre à ces personnes de rester à domicile. Or, l’hébergement en CHSLD s’est souvent imposé à plusieurs d’entre eux comme une obligation, faute de moyens financiers ou de services offerts pour rester à domicile », ajoute-t-elle.