
Le bras de fer n’aura pas duré longtemps. Deux jours et demi après avoir annoncé son intention de transférer au plus vite dans le 12e arrondissement de Paris le campement de toxicomanes installé, depuis la fin septembre 2021, porte de La Villette (19e arrondissement), le préfet de police, Didier Lallement, a renoncé, vendredi 28 janvier, à ce projet vigoureusement contesté par les élus de gauche, de droite mais aussi de La République en marche (LRM). La friche ferroviaire de Bercy-Charenton n’accueillera donc pas de consommateurs de crack, cette « drogue du pauvre » qui fait des ravages dans le nord-est de Paris. Ils resteront pour le moment dans le square où ils se trouvent, à la lisière de la capitale et de la Seine-Saint-Denis.
Dans un communiqué publié vendredi midi, le préfet de police justifie cette volte-face par « la virulente opposition de la maire de Paris à tout projet de déplacement des usagers du crack » hors du square de la porte de La Villette. Et le fait qu’Anne Hidalgo ait envisagé des recours judiciaires, notamment une saisine de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Situation du crack à Paris.
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Dans ces conditions, le préfet « ne peut que constater son empêchement par la ville à réaliser l’évacuation vers le site du 12e arrondissement ou vers tout autre site, la mairie ayant refusé de faire la moindre proposition », écrit-il, en insistant sur les conséquences de cet immobilisme. Les habitants du 19e arrondissement, de Pantin et d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) « doivent désormais s’attendre à une occupation longue de l’espace public du square, car c’est une illusion d’essayer de leur faire croire que des solutions rapides et simples sont possibles pour permettre à ces personnes de se soigner et de se réinsérer », poursuit le préfet.
L’opposition dépasse la Mairie de Paris
La version préfectorale est toutefois incomplète. La maire socialiste, Anne Hidalgo, et son équipe ont certes critiqué violemment le déplacement du camp annoncé par le préfet sans la moindre consultation des élus, et promis d’utiliser tous les moyens pour « faire obstacle à cette décision baroque ». Mais l’opposition à cette mesure dépassait largement la Mairie de Paris. Hervé Gicquel, le maire Les Républicains (LR) de la commune de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), voisine du terrain de la SNCF envisagé dans le 12e arrondissement, s’était déclaré résolument hostile au projet. La députée LRM, Laetitia Avia, avait, elle aussi, contesté l’arrivée de cent ou deux cents toxicomanes dans sa circonscription, et demandé la suspension du projet : « Nous devons veiller à ne pas démultiplier des points d’insécurité dans Paris, qui plus est dans le quartier de Bercy, à proximité d’équipements fréquentés par des jeunes et des familles. »
Porte de La Villette, la situation, qui ne devait durer que « quelques jours » ou « quelques heures », selon le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, va donc se prolonger encore. « Le préfet de police continuera à demander à la Ville de Paris de nettoyer cette place des débris accumulés et transformés en cabanes, quitte à la réquisitionner à nouveau comme il vient de le faire », fait-il savoir dans son communiqué. Didier Lallement dit, en effet, refuser qu’« un bidonville se construise à cet endroit masquant à la vue des policiers les trafics ». Mais, au-delà du problème de court terme sur la localisation de cette « scène ouverte » de consommation de drogue, rien n’est réglé. Les projets pour mettre en place un parcours de soins visant à permettre aux toxicomanes de sortir de la dépendance semblent plus que jamais au point mort.