
Curieux accueil pour un jardin public. Ce mercredi 30 juin, quatre agents de la nouvelle police municipale se tiennent devant la seule porte encore ouverte des Jardins d’Eole, dans le nord-est parisien, et filtrent les entrées. Les trois autres accès ont été fermés. « Vous n’avez pas d’alcool avec vous ? », demande une femme en uniforme à un homme qui veut franchir le barrage. « Non », répond-il. Les agents le laissent pénétrer. La cible, en réalité, est moins l’alcool qu’une drogue devenue endémique dans le quartier, le crack. Objectif : empêcher les consommateurs de ce produit peu cher et très addictif de s’installer de nouveau dans les Jardins d’Eole.
Un virage complet par rapport aux dernières semaines. Depuis le 17 mai, l’Etat et la mairie de Paris incitaient au contraire les consommateurs de crack à se retrouver dans ce jardin public, plutôt que dans les rues et les places du quartier. Il s’agissait alors de soulager les riverains de la place de Stalingrad, qui n’en pouvaient plus des toxicomanes en manque, des mendiants agressifs et du tapage nocturne. A titre exceptionnel, les pouvoirs publics avaient donc ouvert les Jardins d’Eole la nuit, pour que les « crackeux » disposent d’un lieu où consommer en gênant moins de monde, et sous surveillance.
D’emblée, l’équipe d’Anne Hidalgo avait prévenu qu’il s’agissait d’une solution temporaire, le temps de s’entendre avec l’Etat sur un dispositif plus pérenne d’aide aux toxicomanes. « Le parc doit retrouver un usage normal dès l’été », affirmait la mairie.
Aucune solution n’a fait l’unanimité
Un mois et demi plus tard, Anne Hidalgo a décidé de tenir sa promesse, à la satisfaction des riverains, qui protestaient toutes les semaines contre ce « Crack Land ». Depuis ce mercredi, les consommateurs de stupéfiants n’ont plus le droit de venir dans le jardin public, de nouveau fermé la nuit. « Le parc est rendu à ses utilisateurs naturels, les habitants du quartier, se réjouit le maire du 19e arrondissement François Dagnaud. Tout un programme d’animations est prévu pour eux durant l’été. » La police, qui aurait préféré prolonger un peu la solution Eole, est chargée de veiller à ce que les toxicomanes ne reviennent pas dans ce lieu qu’ils occupent presque sans cesse depuis son inauguration en 2007.
Où vont-ils aller ? C’est la question clé. Car les six semaines écoulées n’ont pas suffi aux pouvoirs publics pour s’entendre sur la suite. La mairie et la préfecture ont cherché un terrain vaste, proche des lieux où les quelques centaines de « crackeux » ont leurs habitudes, et le plus à l’écart possible des habitations. Plusieurs pistes ont été envisagées, notamment des friches ferroviaires du nord-est parisien et la place Auguste-Baron, sous le périphérique (19e). Aucune n’a fait l’unanimité. « Les discussions ont achoppé parce que l’Etat n’est pas au clair sur le sujet, analyse un participant aux réunions, côté mairie. Le ministère de l’intérieur, celui de la santé, la préfecture de région, et la préfecture de police n’ont pas la même vision. Peut-on ou non créer des lieux de consommation médicalisée de drogue dans l’espace public ? Rien n’est arbitré. »
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