Il n’a pas fallu deux jours pour que le double mur soit recouvert d’inscriptions. Des tags côté Paris, tout près du square de la porte de la Villette, ce jardin public où la police a installé, vendredi 24 septembre, les consommateurs de crack évacués de la rue Riquet (19e arrondissement). Côté Pantin, une main anonyme a tracé en vert quelques mots sur les parpaings tout juste assemblés : « Le mur de la honte. Merci Darmanin ».
Un mur entre Paris et la banlieue. Construit en urgence vendredi après-midi par la police, il bloque le tunnel qui permettait de passer de la rue du Chemin-de-fer (19e arrondissement) à Pantin (Seine-Saint-Denis), et offrait un abri à certains sans domicile fixe. Ce mur constitue « une indispensable protection des habitants de Pantin », affirment le préfet de la région Ile-de-France, Marc Guillaume, et le préfet de police, Didier Lallement, dans un courrier adressé samedi à la maire de Paris, Anne Hidalgo. Pour l’Etat, il était indispensable de boucher le tunnel, afin d’empêcher les « crackers » de pénétrer trop facilement en Seine-Saint-Denis.
Mais « ce mur de la honte, c’est un terrible message envoyé à la banlieue, juge Geoffrey Carvalhinho, un fidèle de Valérie Pécresse qui siège au conseil municipal de Pantin et au conseil régional. D’un côté, la ville riche. De l’autre, les prolétaires. C’est cela, la symbolique. » Le mur est également inutile, ajoute-t-il : « Il n’empêche pas vraiment de passer de Paris à Pantin ». Il suffit de prendre la place Auguste-Baron et de marcher deux minutes sous le périphérique pour déboucher en Seine-Saint-Denis.
Sur place, dimanche matin, quelques toxicomanes repèrent déjà le chemin. « Il y a dix minutes, j’étais avec mon petit garçon quand un cracker s’est approché de moi, raconte une infirmière de Pantin, encore secouée. Heureusement, un jeune du quartier lui a dit : “Casse-toi !”, et l’autre a décampé en m’insultant. Mais je vous le dis, tout ça va mal se terminer. Moi, je vais arrêter de venir soigner les gens ici. Sinon, je vais craquer. »
« C’est en train de devenir la jungle ! »
Mathilda, une vendeuse membre du collectif 93 Anti-crack, s’inquiète, elle aussi : « J’habite Aubervilliers, et je passe tous les jours par ici pour aller à mon travail, à Paris, ou en revenir. Il y avait déjà des agressions, des vols, des accrochages avec les migrants. Le soir, les femmes vont être encore moins rassurées qu’avant. » Karim, un habitant de Pantin de 38 ans, se montre encore plus alarmiste : « Ici, c’est en train de devenir la jungle ! Et les flics sont invisibles. »
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