
Dans l’amphithéâtre Gustave-Roussy, sur le campus des Cordeliers de la Sorbonne, à Paris, des étudiants dessinent le visage d’une personne qui souffre d’anxiété. Perles de sueur, cernes prononcées, nuages apocalyptiques au-dessus du front, enchevêtrement de spirales menaçantes et colorées… Ils ne manquent pas d’inspiration. Ce groupe entame sa deuxième journée de formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM) : la veille, les seize volontaires – filles et garçons – ont déjà exploré les troubles psychiques, les crises suicidaires et autres symptômes de la dépression.
Au terme des quatorze heures de formation, tous deviendront « secouristes en santé mentale ». Car si certains sont initiés aux gestes qui sauvent en cas d’arrêt cardiaque ou d’étouffement, que faire en cas d’attaque de panique ou de conduite agressive liée à une prise de substances ? « Il ne s’agit pas de se substituer aux soins, mais plutôt de se rendre compte de changements de comportements dans leur entourage, détaille le formateur Maxime Lacoche, coordinateur des actions de prévention au Service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) de Sorbonne Université. Les étudiants s’entraînent à repérer des signes pour apporter une première aide. »
« Je change de regard »
Loin de trouver le rendez-vous plombant, Amine Benslimane, 23 ans, y voit plutôt « une grande bouffée d’oxygène ». Originaire de Béjaïa, en Algérie, l’étudiant a posé ses valises en France en septembre pour suivre un master d’informatique et, depuis, il tourne en rond dans sa résidence à Cergy (Val-d’Oise), frôlant l’overdose de cours en visio. « J’ai bien apprécié de sortir de chez moi, et ça motive d’autant plus de voir des gens en vrai ! », lâche-t-il, admettant quelques baisses de moral, seul depuis des mois dans son studio. « On tient quand même le coup », répète le jeune homme, marqué notamment par le suicide d’un de ses amis, étudiant algérien comme lui, à La Rochelle fin août 2020. « On n’a rien vu, on ne s’y attendait pas. Cette histoire a peut-être joué un rôle dans mon choix de m’inscrire à cette formation. J’aurais aimé être sensibilisé plus tôt à ce genre de trucs. »
Agrémentée de vidéos, jeux de rôle, œuvres d’art et autres challenges par équipes, la formation alterne mises en situation et apports théoriques. Calquée sur un programme australien standardisé, l’association PSSM France a été créée en 2018, accréditant ses premiers formateurs en 2019. Même si le contenu se veut universel – donc pas spécifiquement adapté à la population étudiante – quatre services de santé universitaires ont d’abord été retenus pour expérimenter le dispositif. En plus de la Sorbonne, les universités de Lorraine, Bordeaux et Clermont-Auvergne ont mis le pied à l’étrier, avec le soutien de leurs agences régionales de santé.
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