Du jamais-vu. Au centre hospitalier régional d’Orléans, la quasi-totalité des soignants des urgences sont en arrêt maladie, depuis bientôt une semaine. L’hôpital, qui a déclenché son plan blanc mardi 29 mars, ne maintient l’activité qu’avec le recours aux infirmiers et aides-soignants d’autres services et au « pool » de remplaçants. Celle-ci a été réduite après un appel à la population à ne solliciter le service qu’en cas d’urgences « vitales ».
Selon le décompte du syndicat SUD-Santé-sociaux communiqué le 3 avril, 79 des 80 infirmières des urgences et 35 des 45 aides-soignantes sont arrêtées – y compris les quatre cadres de santé –, soit 90 % de ces personnels paramédicaux des urgences, en raison de « l’état d’épuisement et de mal-être » qui domine depuis des mois, selon les représentants syndicaux.
Comment en est-on arrivé à cette situation ? La journée « catastrophe » du lundi 28 mars a été la « goutte d’eau », pour reprendre les mots des soignants. Dans l’un des secteurs des urgences, un soignant a retrouvé l’une de ses patientes décédée, à même un brancard. La mort de cette dame âgée était « attendue », explique-t-on dans les rangs médicaux, mais les conditions dans lesquelles elle intervient bouleversent un service déjà au bord de l’explosion. « Ce n’est pas le premier, et ce ne sera pas le dernier décès aux urgences, on sait qu’on est confronté à la mort, rappelle Marine (le prénom a été changé), une infirmière présente ce jour-là, qui souhaite rester anonyme. Mais il y a des morts qui choquent plus que d’autres, et là, ce qui choque, c’est qu’on ne peut plus accompagner dignement les patients. »
« On est maltraitants »
La jeune femme de 25 ans s’occupe alors du secteur d’à côté : elle compte 23 patients sous sa charge à l’heure du passage de témoin à l’équipe de l’après-midi, à 14 heures. Un nombre disproportionné qui revient de plus en plus souvent ces derniers mois au centre hospitalier régional, alors que le ratio jugé normal est d’un infirmier pour huit à dix patients. « On n’est plus en mesure d’assumer des décès comme ça, résume Marie Lefrançois, sa collègue aide-soignante. On s’aperçoit qu’il va y avoir des loupés dans ces conditions où ça déborde de partout. »
Outre ce décès, la saturation est telle que la nouvelle équipe qui arrive pour l’après-midi, ce lundi 28 mars, refuse de prendre ses fonctions et déclenche un « droit de retrait » – le cinquième depuis le début de l’année, selon SUD-Santé-sociaux. Une manière de tirer la sonnette d’alarme et de forcer à trouver des solutions de désengorgement. Dans les couloirs, les brancards s’entassent, dans de nombreux box, on compte trois patients au lieu de deux, même la salle de plan blanc, où les patients n’ont aucune intimité, a été rouverte depuis quelques jours, selon des soignants présents.
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