ReportagePionnier de la « réhabilitation psychosociale », le professeur Nicolas Franck, de l’hôpital du Vinatier dans la banlieue lyonnaise, veut bousculer le traitement des maladies mentales et l’image de la psychiatrie.
C’est à Bron, en banlieue lyonnaise, au sein de l’hôpital du Vinatier, que se dresse le Centre rive gauche. En cet après-midi de septembre, les patients flânent librement dans le parc, le chant des oiseaux en fond sonore. La spécialité du lieu : la réhabilitation psychosociale, une approche innovante de la psychiatrie.
Ce centre, dirigé par le professeur Nicolas Franck, est une « unité pilote » qui doit présenter son projet aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, lundi 27 septembre. Ici, tout tourne autour de l’idée de « rétablissement ». Il ne s’agit pas de faire disparaître la maladie ou les symptômes, mais plutôt d’essayer de retrouver une forme d’équilibre et de bien-être.
« Avant, on considérait qu’un patient souffrant de schizophrénie ou de troubles bipolaires n’avait aucun espoir de rétablissement. Le poids de la stigmatisation sociale et médicale était lourd », explique le professeur Franck. La réhabilitation psychosociale tente de « redonner confiance aux patients ». « On va insister sur leurs capacités plutôt que sur leurs limites », explique le psychiatre. Cette approche veille à toujours impliquer le patient dans les décisions liées à son projet de soins, peu importe son état.
Art-thérapie, relaxation, psychoéducation
A l’intérieur du centre, comme à l’extérieur, les patients sont libres de se promener. « Chacun a sa propre chambre avec une salle de bains et ses clés », explique Muriel Le Breton, cadre supérieure de santé. Un moyen de leur octroyer une « intimité », « un sentiment de sécurité », poursuit-elle. Frédéric Boissié, cadre de santé, a lui aussi son trousseau de clés à la main, mais il s’en sert rarement. Ici, les portes restent ouvertes. « Bien sûr, on ne va pas laisser celles de la pharmacie ouvertes », tempère le médecin, interrompu par une patiente arrivée à l’improviste, pour saluer les présents d’un « check » du coude.
Sur les panneaux d’affichage des couloirs, on trouve les plannings des patients. Au programme, art-thérapie, relaxation, ateliers de psychoéducation (qui permet aux patients d’être proactifs dans leur processus de rétablissement, en les informant eux et leurs proches sur leur maladie, les comportements à adopter pour éviter une rechute, les traitements adaptés, etc.). Les patients ont également accès aux plannings de leurs soignants. « C’est rassurant pour eux de savoir quand leurs soignants sont là », indique Muriel Le Breton.
L’équipe veut démontrer que ce changement est « possible ». Avant, l’établissement comptait trois salles d’isolement. Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une. Une a été transformée en salon d’apaisement, l’autre en salle de jeu. « On utilise trop la contention et l’isolement en France », juge Frédéric Boissié. L’équipe du centre hospitalier lutte contre cette approche « arbitraire » de la psychiatrie, qui va, selon elle, « à l’encontre des droits fondamentaux ». Dans l’unique salle d’isolement restante, la contention n’est possible que toutes les six heures, et l’isolement pendant douze heures maximum pour des patients en crise.
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